Une histoire du poisson durable ? Le droit et la régulation de la pêche en Suisse (XIVe-XVIIIe siècle) [Panel 66]

jeudi, 30. juin 2022, 15:45 jusqu'à 17:15 heures, avec dégustation

PODCAST avec Marco Cicchini : Réguler la pêche à Genève au 18e siècle

 

Parsemée de 1500 lacs dont certains sont parmi les plus grands d’Europe, la Suisse actuelle est héritière d’une tradition ancienne, mais méconnue, de régulation des ressources halieutiques. Ce panel montre l’historicité, la richesse et la diversité des législations locales depuis la fin du Moyen Âge dans le domaine du droit de pêche. À partir d’exemples situés qui reflètent la diversité des réalités helvétiques du XIVe au XVIIIe siècle, en se fondant sur les ressources rassemblées par les Sources du droit suisse, il s'agit de questionner la capacité du droit à réguler adéquatement et efficacement le rapport des hommes à l’environnement naturel lacustre qu’ils convoitent et qu’ils exploitent.

Dans l’espace helvétique préindustriel, la pêche lacustre occupe une place importante aussi bien dans l’ordre des consommations locales que dans la circulation des produits alimentaires à l’échelle régionale. Essentiellement entre les mains des communautés en vertu de droits banaux, de droits privés ou de privilèges corporatistes à la fin du Moyen Âge, la régulation de la pêche devient progressivement, dès le XVIe siècle, une compétence des autorités des villes et des cantons. Engins de pêche, taille des prises, saisons d’ouverture, quantités : les mesures typiques qui encadrent les activités des pêcheurs visent à gérer les ressources lacustres afin d’éviter la raréfaction du poisson. Préventives ou réparatrices, les normes qui freinent la surexploitation sont dictées avant tout par un impératif de sécurité alimentaire et de maîtrise des prix du marché. Pour autant, le rapport au monde vivant ou au « spectacle de la nature » qui pourrait sous-tendre l’élaboration de ces réglementations mérite d’être interrogé. De plus, au-delà des finalités concrètes de ces mesures en matière d’approvisionnement, elles mettent en jeu une notion – à circonscrire – de « bien commun » qui s’oppose à toute forme d’appropriation égoïste et illimitée de la nature. Cette question est particulièrement tangible lorsque les lacs concernent plusieurs cantons ou États, mettant en tension un principe de souveraineté et de juridiction (le droit de pêche), avec une nature qui se joue des frontières des hommes.

Aussi, notre panel convie-t-il à étudier plus finement les processus de prise de décision, les représentations des acteurs et les effets des dispositions adoptées. Au-delà des considérations sur les conséquences de la surpêche, sur quelles bases empiriques ou savantes se construit cette prise de conscience ? Quel est le rôle attribué aux évolutions techniques dans la nécessité de réguler la pêche ? Comment s’exprime la connaissance des cycles de la nature et la nécessité de protéger celle-ci ? Comment les mots de la pêche rencontrent-ils le monde du droit ? Dans l’établissement des normes et des droits de pêche, comment s’établissent les coopérations et les collaborations entre souverainetés ? Que ressort-il de la comparaison des législations sur la pêche en Suisse et en Europe ?